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Gérer son temps en enseignement… pour les perfectionnistes

Je n’aurais jamais pu imaginer à quel point l’enseignement allait me faire repousser mes limites. Au cours de mes premières années comme enseignante, je n’arrivais pas à lire mes courriels, à me rappeler les réunions, à communiquer avec les parents de façon régulière, etc. Comment rester à jour lorsque je passais de longues nuits à élaborer de beaux plans de leçons? J’ai du mal à l’avouer, mais on m’assure que je suis perfectionniste. Le sentiment de ne pas en venir à bout influait aussi sur ma vie personnelle : je n’avais plus de temps pour mes enfants, je manquais des rendez-vous (avant l’arrivée des téléphones cellulaires sur lesquels on peut maintenant programmer des rappels), etc.
Ma famille et mes amis me disaient : « Ça deviendra plus facile avec le temps. » Ça n’a pas été le cas pour moi, mais j’affirme avec plaisir que j’ai réussi à trouver des pratiques gagnantes qui m’apportent de la satisfaction dans ma vie professionnelle. Voici quelques astuces qui m’ont grandement servi :

  1. Changer de perspective
    L’enseignement n’est pas un boulot, mais bien une carrière. Si je réfléchis à toutes les professions, ce qu’elles ont en commun, c’est qu’elles exigent une formation approfondie et qu’elles ont une grande courbe d’apprentissage. Fini les emplois où je suis payée à l’heure. J’ai appris qu’il faut environ cinq ans pour développer les compétences de base. En me répétant que « c’est une profession et non un emploi », j’accepte mieux les exigences liées au poste et je suis plus ouverte aux suggestions des autres.
  2. Mettre l’accent sur l’apprentissage des élèves
    En début de carrière, je passais mes soirées à créer de belles leçons, mais j’étais épuisée. Ce que je refusais de reconnaître, c’était que mes belles leçons ne tenaient pas compte des besoins des élèves. Je n’avais pas le temps de créer des profils de classe ou d’aller dans les dossiers des élèves… j’avais trop de préparation à faire. Lorsque j’ai changé d’approche, j’étais davantage en mesure de réfléchir aux moyens d’amener mes élèves à réussir plutôt que de mettre l’accent sur de belles leçons qui allaient les impressionner. Résultat : je suis devenue plus efficace dans ma planification.
  3. Établir un horaire de préparation
    Au cours des premières années, je quittais l’école vers 15 h 45 pour aller au club de gym. J’allais ensuite chercher mes enfants chez la gardienne et je passais de longues nuits à travailler sur ma préparation de cours. Souvent, je m’endormais à mon ordi, sans même être prête pour le lendemain. Je me sentais toujours comme s’il n’y avait pas assez d’heures dans une journée. Une amie m’a alors donné le conseil suivant : « Pourquoi ne pas travailler pendant des heures de travail normales? » Sa suggestion : une semaine de travail comprend de 40 à 44 heures, et les journées s’étendent de 8 h à 17 h. C’est ce que j’ai fait. J’ai commencé à travailler jusqu’à 17 h. Je restais à l’école après que tous les autres membres du personnel étaient partis. Sans personne pour me déranger, j’étais beaucoup plus efficace. De plus, j’avais l’accès illimité à la photocopieuse — plus besoin de me mettre en file d’attente avant la rentrée des élèves. Ces heures ne suffisaient pas toujours. J’ai donc décidé de consacrer un soir par semaine au travail, habituellement le lundi. Ces soirs-là, je me payais la traite avec un dîner de resto rapide (avec dessert compris), puis je me mettais au travail en faisant jouer ma musique préférée. Le reste de la semaine, j’étais suffisamment organisée pour profiter pleinement de mes soirées. En ce qui concerne mes visites au club de gym, j’ai plutôt choisi de m’entraîner avec mes enfants (aller à vélo, faire de la raquette, etc.), ce qui s’est avéré plus satisfaisant.
  4. Planifier plus et évaluer moins
    Les heures passées en soirée à analyser les travaux des élèves pour y attribuer une note me fatiguaient. Pire encore : les élèves s’en foutaient de toute la belle rétroaction que je m’étais efforcée de leur donner. J’ai donc appris à accumuler des preuves d’apprentissage tout le long de mon unité d’enseignement plutôt que d’attendre à la toute fin. Maintenant, dès que les critères sont établis relativement à la tâche, je circule parmi mes élèves et je note mes observations et mes conversations avec elles et eux. Je peux ainsi leur donner de la rétroaction à un moment plus opportun, ce qui est préférable pour l’élève. Ainsi, en fin d’unité, j’ai suffisamment de preuves pour écourter la tâche d’évaluation. La notation se fait rapidement, étant donné que l’élève a déjà reçu mes commentaires. En mettant davantage l’accent sur la planification, je réussis à intégrer les concepts et les matières, de sorte que j’arrive à réduire de près de la moitié les tâches d’évaluation.
  5. Chercher de l’aide
    Étant perfectionniste, je ressens une pression de tout faire parfaitement. Lorsque je me retrouvais devant l’enseignante d’EED, je faisais tout mon possible pour la convaincre que je suivais le PEI des élèves à la lettre. Au cours des réunions CAP, j’interprétais les observations de mes collègues comme une attaque à l’égard de mon enseignement. Cela m’a pris du temps, mais j’ai finalement compris que les enseignants-ressources, les leaders pédagogiques et les conseillers pédagogiques étaient là pour m’appuyer. Au lieu de tout me mettre sur le dos, j’ai appris à chercher de l’aide auprès de l’enseignante-ressource pour modifier des tâches et trouver des ressources pertinentes. Les leaders pédagogiques connaissent les stratégies d’enseignement. Je peux donc me fier à eux pour améliorer mes pratiques d’enseignement (je n’ai plus besoin de passer mes soirées sur les sites Web Pinterest ou Mieux enseigner pour trouver des astuces).

En fin de compte, mon plus grand défi en tant que perfectionniste, c’est de penser que je dois tout savoir et tout faire. Cela entraîne chez moi un faux sentiment d’incompétence. Ces jours-ci, j’ai une meilleure perspective quant à ma profession, mais il y a quand même des moments où je sens que je ne viens pas à bout de tout faire ce que je voudrais. Lorsque cela arrive, je sais que je dois prendre un pas de recul et impliquer davantage les autres (les élèves, mes collègues et les experts-conseils, ma famille, etc.). Je ne suis pas convaincue que l’on puisse se défaire totalement de l’étiquette de perfectionniste, mais on peut certainement améliorer notre expérience d’enseignement en y apportant quelques modifications.

Joanne