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Le choc de l’écran noir ou l’apprentissage en mode virtuel

Un choc. J’utilise le mot choc ici, mais vous verrez que je lui donne en fait deux sens. Si l’un de ces sens est davantage lié au sentiment de bouleversement, l’autre se rapporte plutôt à la surprise.

La mise en contexte

Je me rappelle m’être dit, quelque temps avant la rentrée 2021 : « À la suite des décisions gouvernementales, les élèves et les familles peuvent choisir de fréquenter l’école selon le mode qui leur convient le mieux. Ils opteront sûrement pour l’école en personne, surtout après ce que nous avons tous vécu au printemps! Ce ne sera donc qu’une minorité de familles qui choisira le mode virtuel en tenant compte de leur situation et de leur prédisposition au virus. »
Vers la fin août dernier pourtant, c’était devenu incontournable. Dans mon conseil scolaire, les conseillers pédagogiques, comme moi, allions être affectés à l’enseignement du Programme d’apprentissage virtuel étant donné un nombre d’inscriptions plus important que prévu. Alors que nous avions accompagné des centaines d’enseignants au printemps dernier, au lendemain de la fameuse semaine de relâche qui allait transformer le visage de nos écoles, voilà que nous devions mettre à profit toutes les belles suggestions que nous avions faites.

Le choc comme bouleversement

Je pensais être prête. Après tout, j’avais près de vingt ans d’enseignement derrière la cravate. Cela devait bien me permettre de faire face à presque toutes les situations. Non? Hum… Non. Des heures interminables de planification. Des ressources impossibles à obtenir. Des activités qui ne se transposent pas au mode virtuel. Des élèves qui n’allument pas leur caméra (je suis au secondaire). L’impression de parler toute seule. Mes tentatives de blagues qui n’entraînaient aucune réaction à part la mienne, riant seule devant mon écran statique. Tous. Les. Jours!
En somme, j’avais l’impression de revivre ma première année d’enseignement, en particulier lorsque j’avais l’impression que je n’y arriverais pas. Pour tout dire, j’ai connu une première semaine de paralysie professionnelle. J’étais sous le choc.
Jusqu’à ce que je comprenne quelque chose que je savais déjà pourtant.

Le choc comme une belle surprise

C’est lorsque j’ai véritablement compris que toute cette situation constituerait une occasion d’apprentissage, aussi bien pour moi que pour mes élèves, que le vent a tourné. J’ai saisi toute la valeur que peut prendre la posture de coapprenants dans la relation entre un enseignant et ses élèves. Mes élèves et moi allions grandir et acquérir un nombre incommensurable de nouvelles compétences dans les prochaines semaines. Comme lorsqu’on accueille les tout-petits à leur entrée à l’école et qu’ils adoptent des savoir-être et des savoir-faire dans leur nouveau milieu, les humains de 15 ans qui se camouflaient derrière leur photo de profil ont cheminé et appris à se définir en tant qu’apprenants dans ce nouveau contexte. Comment allaient-ils organiser leurs travaux dans leur Drive? À quel moment allaient-ils faire leurs lectures numériques s’ils devaient aussi faire des pauses d’écran? Comment allaient-ils indiquer leur désir de prendre la parole en groupe? Quelles étaient les normes de collaboration pour un travail d’équipe en vidéoconférence? À quel moment leur serait-il convenable d’éteindre ou d’allumer leur caméra? Comment allaient-ils rendre explicites leurs besoins?
Et moi, comment allais-je être sensible au rythme de leur progression?

Bref, nous avons tellement appris sur nous-mêmes. Voilà pour moi la plus belle surprise découlant de cette aventure.

Joëlle